Tout le monde dit toujours que l'amour est quelque chose d'extraordinaire, quelque chose qui fait rêver et qui vaut la peine d'être vécu ; même lorsque nos histoires d'amour finissent mal, il ne faut pas les regretter parce que ça fait partie de nous. Vous savez, je ne suis pas de cet avis. Au contraire. L'amour, je ne veux pas le connaître. Je ne veux pas m'enticher de la mauvaise personne, de la seule que la société m'interdit d'aimer. J'ai peur d'aimer ; je voudrais n'avoir de sentiments pour personne. L'amour, ce n'est pas ce truc génial dont tout le monde parle. Cupidon est un envoyé du diable et ses flèches finiront par me mener à ma perte.

« Tu sors ? » J'étais en train d'enfiler mes chaussures lorsque Roxane arriva. Elle me regarda avec méfiance et je devinais bien qu'elle se demandait si j'allais retrouver son amie, Jules, que je voyais souvent ces derniers temps. Quelque chose qu'elle ne supportait malheureusement pas, mais j'avais besoin de fréquenter cette fille, pour me rassurer. La demoiselle reprit : « Tu vas où ? » Un sourire apparu sur mes lèvres, malgré moi comme souvent. Roxane et ses mille et unes questions... Elle ne s'arrêtait jamais : elle voulait toujours savoir ce que je faisais, avec qui, jusqu'à quand. Elle voulait TOUT savoir. Au fait, je ne vous ai pas dit ? Roxane et moi, nous sommes jumeaux. Et ouais, on est venu au monde ensemble et aujourd'hui encore, nous sommes inséparables, si bien que je me demande si nous finirions pas par crever ensemble. En réalité, nous n'arrivons pas nous éloigner l'un de l'autre trop longtemps ; c'est quelque chose qui nous est impossible.
Roxane est ma seule famille. Notre mère est morte en la mettant au monde - elle était de faible constitution, c'est déjà une chance qu'elle ait réussi à mettre au monde deux bambins en l'espace de quelques minutes. Quant à mon père, il se laisse aller depuis qu'il a perdu sa femme. Il occupe ses journées en allant se saouler dans un bar et chercher des péripatéticiennes. Roxane et moi, nous sommes seuls à la maison la majorité du temps. Ca fait dix ans, dix ans que je prend soin de ma soeur à la place de mon père. Dix ans que je m'occupe d'elle comme il aurait du le faire. Et je crois que c'est en partie pour cela, que nous sommes aussi accroché l'un à l'autre. Si seulement ça n'avait été que cela...
Je fini d'enfiler mes chaussures et mis ma veste, sous le regard attentif de ma cadette, sans doute énervée par le fait que je n'ai pas répondu à ses questions. Lorsque je levais les yeux vers elle, je vis qu'elle fronçait les sourcils et me regardait d'un air impatient. Je me mordis la lèvre inférieure : « Fais pas cette tête Roxy, tu vas attraper des rides ! » Apparemment, ça ne la faisait pas rire. Son esprit était bien trop préoccupé. Je la connaissais et j'étais persuadé qu'elle était en train de se prendre la tête à cause de tout ça. Je m'approchais d'elle et la pris dans mes bras, tentant de la rassurer. Au fur et à mesure, je la sentais se détendre dans mes bras, et elle enfonça son visage au creux de mon cou. « Je ne vais pas voir Jules, Roxy. On m'a appelé, on a besoin de moi au garage aujourd'hui. » Oui, j'aurais pu le dire plus tôt. Mais peut-être suis-je trop égoïste pour le faire. Peut-être voulais-je la rendre jalouse, peut-être avais-je envie de la blesser. Non, ça ne peut pas être ça, je refuse de faire ce genre de trucs. Je lâchais ma petite soeur et lui levais le visage afin de déposer un doux baiser sur ses lèvres. C'était malsain, je le savais. Pourtant, ça faisait longtemps que ça durait. J'étais malade dès que j'étais loin d'elle ; je ne pouvais m'empêcher de penser à elle à chaque seconde de mon existence, de rêver d'elle chaque nuit. J'avais conscience qu'il fallait que nous arrêtions rapidement la relation qui s'étaient tissée entre nous et pourtant, je n'arrivais à m'y résoudre. Lorsque Roxane allait mal, j'avais besoin de la prendre dans les bras pour la rassurer, de l'embrasser sur la joue, sur les lèvres, dans le cou. Je ne supportais pas qu'elle parle à d'autres garçons - un d'entre eux s'en souvient très bien - je ne supporte pas de la quitter ne serais-ce l'espace de quelques secondes. Je devrais lui dire au revoir, je sais. Pourtant, je n'arrive pas à le faire ; je tiens trop à elle pour cela. J'en suis incapable, tout simplement.
Roxane est ma petite soeur, ma jumelle. Rien de plus. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à mettre un terme à cette relation ?

« À quoi tu penses ? » Ce jour-là, j'étais avec Jules. Nous nous étions posés sur un banc, dans un parc près de chez moi et nous avions commencé à parler. Jules était très jolie, celui qui disait le contraire était sans doute aveugle, pourtant, je n'arrivais pas à me concentrer sur ce qu'elle disait, j'étais perdu dans mes pensées. « Désolé, c'est la fatigue... » Un mensonge. Mais difficile d'avouer que vous pensiez à votre soeur alors que vous êtes avec celle qui est censée être votre copine. J'adressais un sourire à la jeune fille et je me pensais pour l'embrasser, comme pour me faire pardonner. Jules accepta volontiers ce baiser, auquel elle répondit avec ardeur. Charmante et jolie. Jules est ce genre de fille dont on peut se vanter de sortir avec. La perfection n'existe peut-être pas, mais c'est une demoiselle qui n'en est pas moins très proche. Alors pourquoi est-ce que je ne ressentais rien ? Pourquoi étais-je étrangement calme ? Dans ma poitrine, rien. Rien de spécial. Et ça m'énervait. J'adorais Jules, mais comme une bonne copine, comme la meilleure amie à ma soeur. Honnêtement, je ne la fréquentais que pour vérifier quelque chose, pour me convaincre qu'entre Roxane et moi il n'y a rien, me convaincre que je pouvais avoir plus de sentiments pour Jules que pour ma sœur. Cependant, Jules n'étais qu'une amie, rien d'autre. Mon test ne fonctionna pas, en tout cas.
Lorsque je rentrais chez moi le soir même, je fonçais directement dans la chambre de ma soeur. Celle-ci était couchée sur son lit et lisait un livre - pour l'université sans doute. Je m'assis sur le lit ; on échangea quelques mots. Et puis, je décidais de continuer mon test : je me penchais pour l'embrasser. Cette fois-ci, mon coeur s'emballa dans ma poitrine. Jules ne doit pas être la bonne c'est tout. Je ne suis pas amoureux de Roxy, ce n'est pas possible. Nous ne sommes qu'un frère et une soeur, rien de plus.