« There's so much left to learn, and no one left to fight... »

NEW YORK - 3 Juillet 2007.
« MAMAAAAAN ! » Un cri s'échappait de la bouche de ma petite soeur, et je ne pus empêcher mes larmes de couler, assis derrière les marches de l'escalier. Je vis ma mère tomber lourdement au sol, inconsciente. Les cris de ma soeur et le bruit m'avaient réveillé en sursaut, et je fus très vite à côté de ma soeur, la protégeant de mon bras. Je me trouvai à un mètre de l'ordure qu'était mon père. Aucun émotion persistait sur son visage, comme si ce qu'il voyait n'était rien. Il n'en avait apparemment rien à faire qu'il venait de battre à mort sa femme devant ses enfants. Et c'est à cet instant précis que je me demandais comment j'avais pu ne rien dire. Ce n'était pas la première fois que je le voyais, du moins que je l'entendais. Quelques années déjà avant, j'avais aperçu des bleus sur son bras. Lorsque j'avais voulu savoir d'où ça venait, elle m'avait prétendu qu'elle s'était cognée tout bêtement. Je l'aurais bien cru si je n'avais pas envie les bruits étouffés la veille, parvenant de leur chambre, alors que j'essayais de m'endormir. Mais je n'avais rien dit. Par peur, surement. Et maintenant, je me sentais coupable de n'avoir rien dit. Ma soeur m'en avait parlé, mais nous n'en avions que très peu parlé, je ne voulais pas l'effrayer, juste la protéger. Mon père, enfin l'homme qui nous servait de père, avait relevé son regard sur nous, et je n'avais pas cillé. Et il est parti. Nous abandonnant, devant le corps de sa femme, notre mère. Je voyais bien que ma soeur était dans l'incapacité de bouger, et je n'eus pas une seconde d'hésitation avant d'appeler les urgences. C'est comme cela qu'on a passé des heures d'angoisse à attendre de savoir si elle pourrait s'en sortir ou pas. L'espoir était faible, mais il ne nous restait que ça. Tout s'était écroulé à l'annonce du médecin. « Les bleus et les contusions de votre mère étaient trop importants. Nous n'avons rien pu faire, je suis désolé. » Je sentis la tête de Lou, ma soeur, exténuée, contre mon épaule Le lendemain, je lui avais proposé de partir, d'aller vivre à Athens, dans l'Arkansas, où je comptais aller pour finir mes études. Elle avait accepté rapidement, souhaitant tout comme moi fuir cette ville, cette maison, où trop de passé et de souvenirs étaient condensés. Goodbye New York, Athens, nous voilà, avec l'espoir d'une vie meilleure.

ATHENS - 27 mars 2009.
Cela faisait maintenant deux ans que l'on habitait à Athens, ma soeur et moi. J'essayais tous les jours de lutter contre ce passé hantant toutes mes nuits. Un cri, un choc, n'importe quel petite chose pouvait me remémorer les souvenirs de ma mère. Alors chaque jour était un combat, qui ne s'arrêtait jamais. On ne pouvait oublier son passé, juste espérer que le lendemain serait meilleur, en tentant par toutes les façons possibles de penser à autre chose, et de se convaincre soi-même que tout va mieux, à présent. Et aujourd'hui, c'était mon anniversaire. J'aurais dû passer une merveilleuse journée. J'aurais dû oui...« Comment... comment tu peux me faire ça ? J'veux plus te revoir, JAMAIS ! » Zephyr, 20 ans, petite amie depuis un peu plus d'un an. Grâce à elle, j'avais réussi à redonner confiance, à rire et sourire sincèrement, une nouvelle fois. Et à la seconde où elle m'annonçait qu'elle m'avait trompé, tout s'écroulait. J'avais l'impression de retourner 2 ans en arrière, lorsque toute ma confiance s'était envolée, lorsque ma mère était partie, lorsque j'avais eu la sensation de tout perdre. Tout ce que j'avais réussi à reconstruire en quelques années venait de partiellement de se détruire, grâce au sentiment le plus destructeur qui soit. Heureusement, Lou persistait à toujours être là pour moi, même âgée de deux ans de moins que moi. Si elle n'avait pas été là, je ne sais pas où j'en serais aujourd'hui. Pour elle aussi, c'était dur. Encore plus pour elle je crois. Elle avait 16 ans quand notre mère était partie. Alors pour elle, j'avais réussi à avoir cette force de cacher mes émotions, de garder tout à l'intérieur, pour prendre soin des autres, surtout d'elle. Mais j'étais là lorsque c'était à son tour de craquer, et on se soutenait, comme ça. Joyeux anniversaire, Alexander.

« These wounds won't seem to heal, this pain is just too real. There's just too much that time cannot erase. »

ATHENS – 19 Mars 2011.
Plongée dans l'écriture d'un article qu'elle devait rendre le lendemain, Lou ne me sentit pas arriver, mais elle dût bien sentir le coussin s'abattre dans sa nuque. Bonjour, je m'appelle Alexander, 22 ans, 5 ans d'âge mental. J'éclatais de rire, derrière son dos, et commençait à courir, sentant bien que la revanche était proche. « Put... Alexander Matthew Andrews, tu vas me le payer ! » s'écriait-elle en joignant son rire au mien. Elle choppa le premier coussin qui venait et me courrait après. Me prenant les pieds dans le tapis, je ne manquai pas de m'étaler de tout mon long sur le canapé, et elle de s'écraser sur moi avant de faire pleuvoir les coups. Je savait que ça allait la détendre, et de lui faire une pause dans le boulot qu'elle devais faire. Elle s'investissait beaucoup dans ses études, et j'étais fier d'elle. Et moi, je n'avais pas changé depuis toutes ces années. Enfin si, je l'embêtais et la taquinais, un peu plus qu'auparavant, parce que je savais qu'elle allait bien le prendre, et qu'elle allait se prendre au jeu. Il y a quelques années en arrière, le passé aurait encore été trop présent, et elle l'aurait mal pris, bien qu'elle savait que c'était pour rigoler. Aujourd'hui, cela la faisait oublier. Je la tannais tout le temps pour qu'elle sorte un peu. Je savais que ça pouvait lui faire du bien, mais elle se l'interdisait, voyant la charge de travail qu'elle avait à faire. De toute façon, je savais qu'à force, elle cédera, la raison l'emporterait. Au dessous d'elle, je lui bloquai quand même les poignets, profitant d'un de ses moments d'égarements. « Tu sais bien que je ne t'ai pas attaqué pour rien, alors... on sort ce soir. » Un sourire s'afficha sur ces lèvres, elle m'avait vu venir. « Mais Alex... » essaya-t-elle. Je la coupai avant qu'elle ne puisse dire un mot de plus. « Pas de discussion, cette fois. Tu viens, point final. » Faisant mine de marmonner quelque chose, néanmoins avec un sourire aux lèvres, elle se tût et monta se préparer. Quelques minutes plus tard, elle descendait les escaliers. Lou, ma soeur, 20 ans. Je ne l'avais pas vue grandir, c'est pas possible! J'étais fier de ce qu'elle était devenue, et de tout ce qu'elle avait traversé. « Lou' ! Tu... Tu es magnifique. » C'est un sourire aux lèvres qu'elle prit son bras, en franchissant la porte de la maison. « Je vais t'apprendre comment on vit la nuit, à Athens. » Oui, parce qu'en dehors de mes études de psychologie, je savais aussi m'amuser. Et dans un dernier souffle, je comprends tout: que le temps n'existe pas, que la vie est notre seul bien, qu'il ne faut pas la mépriser, que nous sommes tous liés, et que l'essentiel nous échappera toujours.