« Il est vrai que certaines fois, tout peut changer. Il suffit d’un regard, d’un sourire pour que tu puisses goûter au bonheur. Pourtant, il peut y avoir des exceptions même si cela peut être difficile à croire. »

Je n’attendais que cela. Depuis tellement longtemps. Je n’avais qu’une hâte jusqu’à l’âge de mes dix-huit ans ; Fuir. Fuir de ce pays qui me rendait si mal à l’aise, fuir de ce pays que je connaissais si bien, fuir mes origines ou encore, tout ce qui me rappelait mon père …

Il ne m’embrasse pas, il ne me félicite pas. Rien, pas un mot. L’homme s’éloigne après avoir hoché la tête dans ma direction. Il porte une valise dans l‘une de ses mains, habillé richement. Fais-je encore partie de sa vie ? Ne suis-je donc qu’un simple pantin, se devant de lui obéir constamment ? Je le suis, un diplôme d’excellence contre ma poitrine, la démarche lente. Cela était toujours, ainsi. Toujours. Ce diplôme que je serrais contre moi était ma fierté, et non la sienne. Je me devais de partager ce petit bonheur avec lui, mais il refusait. Il refusait chaque approche, chaque tentative de tendresse. Ce n’était pas le premier que je ramenai, et peut-être pas le dernier. Cette scène n’allait pas être la dernière, non plus. Malchanceuse ? Je n’ai jamais connu l’amour que pouvait m’offrir mon père. Jamais. Je devais m’y faire, d’après ce que je voyais. Et, d’après tout ce qu’il allait se passer par la suite.

« As-tu révisé tout ce que ton professeur a donné ? » Déglutissant, je ne peux dire la vérité. Je sens son regard froid posé sur moi. Que dois-je faire ? Sentant une main sur mon épaule, je relève la tête croisant la dureté de mon père, de mon ennemi, de mes propres yeux. « Ne l’oblige pas à faire tout cela. Laisse lui du temps, tu lui en demandes beaucoup trop. » « Est-elle venue se plaindre, une seule petite fois ? Non. Je considère, donc, qu’elle n’a pas de temps à perdre. N’est-ce pas, Maryov ? » Était-est le moment où je devais dire mes plus malheureuses pensées ? Entrouvrant les lèvres, ma mère pressa mon épaule, me rappelant que cela était une mauvaise idée. Soit. Je ne devais pas me poser autant de questions ; Obéir et laisser passer devaient être les mots d’ordre de la famille Polzakof. Les seuls.

Ce ne sont sûrement que les seuls souvenirs précis qui me viennent en tête lorsque j’essaye de revoir mon passé. Ce ne sont pas les plus beaux, malheureusement. Ce que je garde de mon enfance ? Je pense à cet homme si sévère, si sûr de lui ; Mon père. À cette mère si désespérée qui aura tout fait pour calmer les situations, plus ou moins difficiles. Aux règles à ne pas enfreindre. Aux leçons de musique qui m’exaspéraient ; Quoi donc ?

« С Рождеством Христовым, дочь моя. » Il reconnait, au moins, que j’étais sa fille. Je le regarde, la tête droite. J’avais neuf ans, et c’était Noël ; Ce que je préférais par-dessus tout. Je ne pus m’empêcher de retenir un léger sourire lorsqu’il me tendit un paquet assez large. « Благодарю вас, отец. » Lors des évènements telle que la période de décembre, notre famille se devait de parler la langue. M’éloignant avec discrétion, je pris la direction de ma chambre. Je n’avais pas l’idée que ce que je tenais dans les mains allait rendre plus difficile la vie que j’avais déjà. Retirant le papier cadeau, je découvris une chose que j’avais toujours ignoré jusqu’à maintenant. Fronçant les sourcils, il s’agissait d’un violon.

Et c’est ainsi que tout commença ; J’ai pris des cours intensifs afin d’être à la hauteur, aux yeux de mon père. Plusieurs dans une semaine, trop nombreux dans une année. Et ce fut le même scénario durant des années, elles aussi été trop nombreuses pour être citées. Fatigue, travail, violon, répétition, détermination, épuisement. La liste pourrait être longue, trop longue.

Et pourtant, les habitudes ont fait que je n’ai pu rien dire, je n’ai pas pu montrer à quel point j’étais fatiguée. Je me souviens qu’après les dures leçons de musique, j’allais dans ma chambre et très vite, je m’endormais. Un quotidien agaçant mais malheureusement, faisable. Et c’est ainsi que je grandis. Petit à petit, je devenais mature ; Après les règles et les sanctions de mon père, dès mon plus jeune âge, j’ai pu grandir dans ma petite tête. Cela était toujours mieux que rien, je considère cette maturité comme un avantage. Mais dans cette petite vie misérable, il y avait une chose dont on m’avait caché ; Une chose dont j’aurai pu me réjouir en apprenant la nouvelle. Mais, il en a fallu de la patience. Il en a fallu …

« Maryov, j’ai quelque chose d’important à te dire. » Les yeux humides, ma mère me regarde, assise près de la cheminée. Arrangeant mes cheveux, je lui jette un coup d’œil. « Que se passe t-il ? » Pas de réponse. Ne comprenant pas, je m’approche pour ensuite, pencher la tête sur le côté. « C’est ton père. » Roulant des yeux, un soupir s’échappa de ma bouche. « Il a quelque chose contre moi, c’est ça ? Qu’est-ce que je lui ai fait ? » Léger blanc. « Il est mourant. » Mensonge. « Pardon ? » « Tu as très bien compris, ton père est malade. » Elle savait pertinemment que les relations entre lui et moi étaient désastreuses. « Et qu’est-ce que j’en ai faire, franchement ? » Elle ne pourra me faire changer d’avis. Je ne voulais pas parler de lui, que la moindre de mes pensées ne divague sur ce sujet. Lui offrant un sourire compréhensif, comme lui, je m’éloigne. Peut-être, cette fois-ci, pour de bon.

Préparant mes affaires soigneusement, ma mère m’observait. Son regard sur moi, je devais partir. Je sentais cette tristesse si douloureuse. Je n’osais pas la regarder ; Non pas par honte, mais je ne voulais pas céder. « Es-tu bien certaine de faire cela ? » Me mordillant la lèvre, je fermais les yeux. « Tu le sais très bien ; Je ne peux pas rester. » « Si c’est ton père … » « Ce n’est pas lui, d’accord ?! Comprends-moi, merde. Tu crois que ça me plait de rester, ici ? J’ai dix-huit ans. » C’était donc à ce moment que j’explosais ? Mais, ce n’était pas à la bonne personne. « Soit. Et où vas-tu aller ? Tu sais qu’on peut trouver une solution. » Déterminée, n’est-il pas ? Fermant la valise, je me retourne. « Arrête, maman. C’est terminé. Je m’en vais vers les États-Unis, on m’y attend. » Un dernier regard vers cette chambre de princesse, où celui-ci s’arrêta sur mon instrument accroché au mur. « Je reviendrai. »

Était-ce un mensonge ? Moi-même, je n’ai jamais su. Je n’en avais pas l’envie, et pourtant. Mes premiers mois aux États-Unis se sont très bien passés ; La Russie s’éloignait, petit à petit. Et moi, je faisais mon entrée dans la vie active, étudiant dans le domaine de la médecine. L’adaptation fut très bonne et je pus faire des rencontres formidables, dont une en particulier. Mais, cela est une autre histoire ♥. J’étais heureuse et le destin s’occupa, à nouveau, de mon sort - pour la toute dernière fois -.

Ils étaient tous habillés en noir. Vêtue d’une robe simple, je portais une boite contre moi. Avec fermeté pour pas que cette petite chose si importante à ses yeux ne tombe. Ma mère pleure, elle n’était pas la seule. Ils étaient abattus, et désespérés. Une cérémonie débuta. Perdue dans mes pensées, je me demandais pour quelle raison je me trouvais là, au milieu de tous ces gens. Un dernier ordre, une dernière exigence de sa part.

Remarquant que les membres composant ma famille se détachèrent du lieu, je me devais de lui dire de simples mots. Regardant autour de moi, il ne restait que quelques personnes. Je m’approche, regardant la tombe. M’accroupissant, mes doigts ouvrirent la boite. Un sourire hypocrite se dessina sur mes lèvres, et je le pris. Le posant au centre de toutes les fleurs, j’observais mon violon. Il était mieux sur cette pierre tombale qu‘à la maison. « En souvenir, papa. » Je me relève, rejoignant les autres, gardant ce même sourire. Et, mes dernières pensées : Tu étais parti, et cela, pour de bon. Tu devais te sentir fier, toi qui est mort sous la terre. Regarde autour de toi, papa. Ils pleurent tous pour toi. Tes parents, ton épouse, ta famille, mais pas ta fille. Ta mort est, à la fois, un soulagement et un déchirement. Ce soulagement que j’avais tant souhaité, c’était le départ d’une nouvelle vie ; D’une liberté. Ce déchirement que tu allais faire à la famille. Que feront-ils sans toi, papa ? Tu ne le sais pas, et tu ne le sauras jamais. Mais, je détiens la petite clé de cette question. Cette petite réponse ; Ils pourront très vite t’oublier. Comme moi, je le ferai.